lundi 3 août 2009

Alan Vega et Jean-Luc Mylayne au MacLyon

Alan Vega, Infinite Mercy

Grand espace pénombre. Lumières qui clignotent. Petits assemblages dans les coins, tas de contreplaqués, vitres collées enserrant dessins double face, grands panneaux entourant grand tableau kitsch d’un christ ombré i.n.r.i. sur fond rouge trois télés à ses pieds au fond bleu sans nouvelles du bon dieu.

Bricolage syncrétique d’une religiosité du fin fond d’un désert. JT Leroy Sarah ; quelque part au fin fond du centre des USA, ou au Nouveau Mexique. Les boui-bouis thaïlandais sur les routes de campagne, tables et chaises en plastique coloré, réfrigérateurs coca pepsi, fanions, télé, carcasses de mobylettes qui rouillent et soupes qui cuisent dans casseroles cabossées. A. : comme dans ces pays-là, en fait. Oui, mais je ne connais que la Thaïlande dans la série, je ne suis pas un collectionneur je ne prends que les exemplum.

Petits assemblages : des bouts de croix, avec des bouts de planches ou de cabanes ou de cagettes, défoncées, arrachées, assemblées, dans des postures étranges, quelque chose comme du ça gicle : il n’y a pas de sens. Petits machins, bouteilles de vodka, Goldorak, , images de boxeurs, de pin-up, capsules de bières, briquets, machins, ampoules partout rouge jaune orange violet, ça clignote (c’est là, vous êtes arrivés ; c’est ici, regardez ; ouh ouh, ou est là, y a quelqu'un ?). Sortes de bricoles de processions, talismans, il faut en assembler des trucs pour que ça fonctionne. Je me suis demandé si à chaque fois, hormis en général, il y avait un sens.

Dessins, des visages griffonnés, le stylo le crayon court sur la page A5. Et ça forme des visages, comme une sorte de miracle, un peu à la Michaux. « Ils sont tous affreux » dit une visiteuse, ça me rappelle mes dessins de marges de cours (« céé kii ? » mais personne, qu’est-ce qu’on s’en fout ?!). Collages, images de magazines, traits au crayon, vampires, porno, boxeurs, icônes kitsch très propres au christianisme, et j’en passe. Icônes, petits carrés noirs au centre collées des images de têtes de boxeurs, cognés, égratignés, et grattées les photos, recouvertes quelque peu : sorte de trace, d’impression, icône l’image qui vient de derrière l’image/surface opaque portraits du Fayoum, Saint Suaire, tout ce que le temps, l’usure, l’érosion a recouvert, et qui vient, qui apparaît, qui surgit quand même, comme remonté des eaux, comme apparaissant sur la pierre à la faveur de quelque réaction chimique obscure.

Ouverture sur la salle de rangement, caisses de transport contenants et devant nous une vitre, quelques lumières au sol, derrière, quelques objets avec, et un groupe de pèlerins le papier à la main devant la vitre écoutant benoîtement un jeune guide cool usant d’un langage familier rappelant que Vega « sait très bien les signes qu’il utilise », qu’il « n’est pas dupe du jeu qu’il joue », comme si le spectateur l’était, lui, du spectacle, du moins les participants de la procession artistique serrant fort le papier tous à la queue leu-leu. Un peu comme une chapelle ardente ; d’où ça tout ça vient, ça désamorce le truc et rappelle les trajets de diffusion de l’art, autoroutes bateaux avions des choses pas très kacher. Prions à notre façon devant ces cadavres, ces morts en attente de résurrection ça tombe bien c’est le dernier jour de l’expo un éclat de rire et un « putain » lâché.

Grands panneaux, à droite drapeau américain portrait d’un soldat comme détail d’une photo plus grande, soldat SS son insigne sur le col, encore drapeau encore soldat, trois ou quatre fois chacun alternativement, des guirlandes de petites lumières recouvertes de noir on voit une croix de lumière orange sur chaque petite lumière, ces crois sur le carré étoilé des drapeaux américains. A gauche boxeurs photos lumières housse de plastique tâchée de sang ? comme au début d’un sens de lecture et de l’exposition invitant à recouvrir un corps, si ce n’a déjà été fait, photo bleutée d’une housse de plastique je crois, tendue, recouvrant quelque chose mystère, mystère du corps ? Jésus au centre, i.n.r.i., peint très à plat, léché, peu coloré mais déjà kitsch, sur le fond rouge son ombre, trois télés à ses pieds, fond bleu d’une non-transmission, sainte trinité en berne.

Envie de rester un peu plus longtemps ici. Icônes reliques et plus encore, tous ces bricolages comme quoi tout est possible, lieu de culte sans résonance stellaire, paradisiaque, que sais-je. Infinite Mercy pour ceux qui ne connaissent que les coups, le sang, le béton, les néons, la culture matérielle, les comics et l’alcool, repères humains sur une terre désertique en deuil, déjà cimetière, des dents qui grincent, tout cela est très drôle et les cadavres dansent, au son d’une musique absente qui serait, peut-être, celle d’Alan Vega.


Jean-Luc Mylayne, Tête d’Or

Des grandes photos qui font comme des fenêtres.

‘‘Non mais il a quoi comme appareil ce type c’est fou t’as vu ?! Et y a même pas un pixel regarde ! Mais pourquoi qu’elles sont toutes brillantes on se voit dedans c’est nul ah si regarde cette série de trois celles qu’on dirait le jeu des 7 différences, de ¾ droite on voit la dame en reflet de plain-pied et cette autre photo sur le mur de gauche en reflet à moitié sur la 1ère et la 2ème photo, à mes yeux d’1m80 à peu près c’est les bonnes proportions c’est marrant non ?’’

Certaines photos feraient des bonnes cartes postales, certaines à l’étage du dessus m’évoquent même, excusez-moi, cette horreur des bébés, Anne Giddens machin là, celle des pommes pourries en gros plan je parle.

Il fait toujours beau dans ces photos, et au 1er étage des petits oiseaux partout, les bruits des pas des visiteurs grillant sur le parquet se transforment en chants d’oiseaux ça pépie c’est joli, c’est étrange, c’est léger, agréable, je resterais bien un moment dans cette exposition aussi. A. : ça c’est que dans ton imaginaire ! Ah bon ? Sans blague.

A. : c’est chiant les gens ils sont collés aux photos, c’est pénible, on dirait des mouches ! Oui, c’est vrai. Mais avec tous ces petits oiseaux, remarque c’est peut-être fait exprès, pour donner à manger aux oiseaux.

A l’étage du dessus des pommes pourries, feuilles d’automne, petits oiseaux sur vieux murs comme en ruine, je sens l’odeur des petites pommes pourries, ça me rappelle quand j’étais petit le jardin d’un ami, cette odeur dans toute la salle. En retrait près de la sortie une sorte d’exemplaire de collectionneurs sous verre, à gauche écrits de la main de l’artiste des mots pour l’authenticité, à droite une photo petite, photocopiée couleur, et vraiment très dégueu.

Petite pièce quatre murs la même photo sur tous les murs, c’est assez angoissant, pareil le truc en rond qu’on se met au centre, pas un continuum comme au musée Lumière mais plusieurs photos, toujours la même sauf qu’une fois c’est pas sur du carton mais sur du verre en transparence, et là encore c’est angoissant. Et petite salle noire avec une image de pomme pourrie en 3D, comme au musée Lumière, monsieur remonte aux origines de l’image en mouvement, le temps, la mort, tout ça, ne dirait-on pas d’ailleurs une sorte de cerveau ?


Retour, A. dit qu’elle trouve ça pédant, l’art contemporain, rien que la voix de la caissière, et puis c’est cher, 4€ pour étudiants comme Gadagne c’est gratuit, mais Gadagne aussi c’est chiant à part les marionnettes, peut-être encore déçue d’hier Gadagne. Et puis des grandes pièces qui ne servent à rien c’est fou, on pourrait mettre des clochards, que ça serve au moins ! Et ce stade, regarde, t’en vois souvent des courses de vélo là ? A. : C’est pas pareil, c’est pas fermé, là. Des amphi de fac la nuit, alors ? A. : Oui, c’est le même principe. J’ai bossé dans le coin un an, je m’y attendais au musée, et aux expos je n’attendais rien, je ne me rappelais même plus de celle de ce Vega. Mais le musée je l’oublie. Là ce qui est bien c’est qu’il n’y a pas vraiment de mise en scène, de projet muséographique, t’as pas le sentiment qu’on te prend pour un con comme souvent, peut-être pas Gadagne mais l’expo sur les Impressionnistes à Grenoble par exemple, tu sais quand tu n’as pas confiance dans le contenant alors tu essaies surtout de le comprendre, de le saisir, pour désamorcer cette prise sur toi, mais là non pas pour moi, et je ne trouve pas que ce soit pédant. A. : Oui, voilà, mais je trouve toujours que l’art contemporain c’est pédant, sans petites étiquettes, rien. Et ces bricolages en fait, les chambres des étudiants en art c’est de l’art alors, parce qu’il y a plein de choses comme ça ?! Ben faut quand même que ce soit reconnu, tout un monde de l’art à sanctionner quelques objets, mais chez Vega ça a plus de sens quand même, fait pas ta tronche sourit regarde il fait presque beau. A. : 4€ quand même… C'est le pric d'un MacDo, aussi. Et moi j’ai pas du tout pensé à prendre la feuille des impôts, c’aurait été gratuit. A. : Et les gardiens ils lisaient Mort aux cons. Ah bon ? C’est quoi ? A. : Un truc drôle, je crois. Ah. Et tu veux quoi comme glace ?

 
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